Il y a quelques années, lorsque mon fils me demandait quel était mon métier je lui répondais « maitresse d’adultes », ce qui avait le mérite de lui procurer une image claire, sinon exacte, de mon activité.
Il est vrai que le plus souvent, lorsqu’on pense au métier de formateur, on visualise la salle, le groupe, le savoir qu’on a envie ou mission de transmettre…
Cependant, dès lors que l’on s’intéresse à l’expérience qu’on veut faire vivre aux participants, on se rend vite compte que ça va être un peu plus compliqué que ça.
C’est à ce moment-là que l’ingénierie pédagogique entre en ligne de compte. C’est l’un des aspects du métier de formateur, plus ou moins aimé. Plus ou moins aimé parce que souvent, on a justement choisi ce métier pour l’interactivité… et que l’ingénierie pédagogique n’en fournit qu’une portion congrue.
L’ingénierie pédagogique est la moitié de mon métier d’aujourd’hui : une moitié que j’ai envie de mettre en lumière ici, pour lui rendre son importance dans le processus créatif d’une formation et dans la qualité du rendu de l’animation.
Ce métier, mouvant, innovant, et récent, a beaucoup évolué ces dernières années. On y demande aujourd’hui, dans certaines fiches métiers, de savoir manier des logiciels d’e-learning et de savoir monter une capsule pédagogique.
Pourtant, si on se réfère à la certification « Responsable d’ingénierie pédagogique », on constatera que la maitrise technologique n’intervient que peu dans les compétences visées.
Et pour cause : les cerveaux des apprenants sont les mêmes, qu’ils soient en présentiel ou en distanciel, en synchrone ou en asynchrone. Les évolutions de ces trois dernières années n’ont pas changé cela. Notre mission est d’aller les chercher et de les mettre en mouvement, quelles que soient leurs modalités de participation… Cela suppose un état d’esprit avant tout.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je trouve si essentielle sa transmission, au travers d’accompagnements pédagogiques ou de formations de formateurs. Les autres raisons tenant au fait que c’est une activité que je trouve exaltante et super créative : l’innovation pédagogique est un sujet passionnant – qu’elle inclue la technologie ou pas !
L’ingénierie pédagogique, telle que je la pratique, la conçois et la transmet, regroupe toutes les étapes de la conception de la formation, de la demande du client à la rédaction des supports d’animation. Le processus s’arrête en effet avant l’animation, ce qui explique que l’ingénieur pédagogique peut tout à fait créer une formation sur un sujet dont il ignore tout : il fournit le cadre, la charpente, main dans la main avec le futur formateur qui l’alimentera de son savoir. Le fond et la forme, indépendamment des modalités pédagogiques – présentiel, distanciel – qui ne sont in fine que des variables d’un projet de formation.
Dans ces étapes on trouvera :
- Le recueil du brief auprès du client, avec des nécessaires orientation solution et capacités d’écoute pour distinguer entre besoins exprimés et besoins réels
- La définition des « persona » de la formation, les futurs participants AKA… les clients finaux !!
- La rédaction des objectifs pédagogiques… et de leur modalités d’évaluation
- Le séquençage de la formation, matérialisé par le scenario pédagogique
- La production des supports de présentation (fiche formation, programme) et d’animation (guide d’animation, livret du participant, annexes, exercices) de la formation
Au-delà du savoir-faire, ce processus demande aussi un peu de temps, on l’aura compris. On compte généralement 3 jours d’ingénierie pour 1 jour d’animation. C’est l’un des écueils du formateur débutant : soit il n’a pas envisagé cette partie du métier, soit il la sous évalue… et l’omet dans sa gestion de projet comme dans le budget… oops ! Oui, ça sent le vécu… je vous le confirme !
Un formateur – ou un organisme de formation, ou une école interne… – peut choisir de déléguer tout ou partie de l’ingénierie pédagogique de ses formations à des professionnels de l’ingénierie pédagogique, en fonction de leur budget et de leurs attentes, puisque les tarifs du secteur s’affichent sur des fourchettes plus que larges, allant de… 175€ à 1600€ / jour, 1000€ / jour en intégrant de l’IA… Les organismes de formation qui prennent en compte l’ingénierie pédagogique d’une demande très spécifique d’un client peuvent l’intégrer… généralement à hauteur de 500€ / jour, et avec un nombre de jours limités.
Bien évidemment, mener l’ingénierie pédagogique d’une formation va demander deux ou trois ( !) compétences spécifiques :
- de l’empathie, à la fois pour celle.lui qui animera la formation et pour celles.eux qui la suivront,
- de la créativité,
- une solide expertise empirique mais aussi théorique –
- la neuropédagogie,
- les techniques d’animation,
- les avancées technologiques,
- sont des sujets brûlants de veille pour l’ingénieur pédagogique !
Il est bon également d’être
- curieux et…
- organisé,
pour ne pas se laisser « embarquer » dans une recherche thématique plus que de raison.
De manière empirique, les missions peuvent rapidement glisser vers de l’accompagnement pédagogique, des missions d’ingénierie de la formation, et, évidemment, d’animation de formation… Mais ceci est une autre histoire !